Interview Exclusive : David Abbasi, le regard d’un opposant iranien sur l’actualité de son pays-BY THIBAUT IZORET MASSERON





Interview Exclusive : David Abbasi, le regard d’un opposant iranien sur l’actualité de son pays

Fervent opposant aux régimes iraniens depuis l’âge de 14 ans, David Abbasi est aujourd’hui un éminent écrivain, historien, islamologue et journaliste iranien. Installé à Paris depuis de nombreuses années, il est l’auteur d’un grand nombre d’articles et d’ouvrages sur l’actualité, l’histoire et la culture de son pays natal. Entretien exclusif avec cet opposant confronté aujourd’hui encore aux répressions de l’Etat iranien.

Pensez vous que l’élection d’Hassan Rohani en juin 2013 est une réelle avancée pour l’Iran ?
Chaque individu a des idées propres, chaque parti politique et chaque période également. L’époque de Mahmoud Ahmadinejad était très tendue pour le monde entier. Il a désormais laissé sa place à Hassan Rohani.
Mais en tant qu’historien et opposant au régime islamique iranien, cela revient au même pour moi. Qu’il s’agisse de Rohani ou d’Ahmadinejad, ils gouvernent tous deux l’Iran avec une pensée religieuse, un islam politique auquel je m’oppose fervemment. Ce matin encore ma porte était forcée, ici en France.
Hassan Rohani tente d’effectuer un rapprochement officiel avec les Américains. Mais il faut bien préciser que les Etats-­‐Unis travaillent avec l’Iran depuis la révolution islamique de 1980. Il y a beaucoup de choses dont on ne parle pas ou que l’on n’ose pas dire.
Par exemple, Rouhollah Khomeini avait été élu grâce au soutien des pays du G5, pour des raisons économiques, le pétrole en tête. Mais ce soutien s’est fait en cachette. Par exemple, les Etats-­‐Unis sont aujourd’hui le 2e exportateur de beurre pour l’Iran et le premier exportateur de riz. Ils avaient déjà de bonnes relations, malgré certaines crises ponctuelles comme la crise des otages américains en 1980.
Je me revendique laïque rationnel et islamologue, je connais donc bien les dangers de l’Islam politique. Pour moi, le Régime reste le Régime. Le fait que la tête du Régime soit un guide spirituel, ici Ali Khomenei, n’est pas bon ni pour l’Iran ni pour le monde entier. Pour l’économie et le peuple iraniens, il y a sans aucun doute eu un changement avec Hassan Rohani, un changement important dans la morale et une amélioration économique de 20 à 30% pour le pays.
Mais il ne faut pas oublier que Hassan Rohani est le « Poutine d’Iran ». Il était le patron des services de renseignements intérieurs et extérieurs depuis vingt ans. Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est donc pas un modéré. Le régime autoritaire et les tensions continuent. Mes amis en Iran sont toujours en prison. Il y a toujours des exécutions et des problèmes mais il donne une nouvelle image à l’extérieur du pays pour arranger les relations économiques problématiques.
Hassan Rohani est parvenu à injecter plusieurs milliards de dollars pétroliers dans l’économie du pays, des milliards qui étaient bloqués par les Etats-­‐Unis. Mais je le répète la vraie amélioration par rapport à Mahmoud Ahmadinejad n’est pas économique, elle est morale.
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Vous avez parlé du lien qui unit l’économie iranienne aux Etats-­Unis. Cela peut sembler paradoxal lorsque l’on pense aux sentiments anti-­américains souvent ardents chez certains radicaux iraniens, parfois influents. Que pensez-­vous justement des relations que l’Iran entretient actuellement avec les pays occidentaux ?
J’ai toujours dis que l’Iran est encore une colonie par rapport à la force mondiale, qu’il s’agisse de la Russie, des Etats-­‐Unis ou de la Grande Bretagne.
C’est la raison pour laquelle les forces sont partagées au sein du régime actuel. Par exemple, le parlement iranien, dirigé par Ali Larijani, est proche des Britanniques. Hassan Rohani est proche des Britanniques et des Américains. L’Ayatollah Ali Khamenei lui est plus de gauche.
Je le côtoie depuis de nombreuses années et je le surnomme souvent l’Ayatollah rouge car idéologiquement, il est d’avantage marxiste communiste. Il était très lié avec l’union soviétique, Cuba et les pays communistes. Puisqu’en Iran il existe plusieurs forces dans le pouvoir, cela créé des tensions. Chacun tente de faire peser la balance de son côté.
Les relations entre l’Iran et Israël semblent se détériorer. Ali Khamenei a par exemple récemment affirmé qu’il ne reconnaissait pas l’Etat d’Israël. Certains craignent une montée des tensions entre les deux Etats. Comment interprétez vous cette détérioration de leurs relations ?
Pour moi, il n’y aura jamais de conflit entre l’Iran et Israël. Ces tensions ne sont pas de réelles menaces. En Israël, il y a deux tendances : l’une contre les Ayatollahs et le régime et l’autre favorable à un rapprochement avec l’Iran. L’Iran et Israël sont très proches historiquement. Par exemple, on trouve encore en Iran les tombeaux de grands monarques d’origine juive.
A l’époque de la guerre Iran/Irak, Israël avait été un soutien essentiel pour l’Iran. Tout le monde musulman était derrière Saddam Hussein, à l’exception de la Lybie et de la Syrie. L’Irak était soutenu par l’argent du Golfe persique. Et Israël était alors le seul pays à vendre des armes à l’Iran.
Aujourd’hui, les Juifs résidant en Iran n’ont aucun problème. C’était aussi le cas sous le régime de Mahmoud Ahmadinejad. Et lorsque Hassan Rohani s’est rendu aux Etats-­‐Unis, il a emmené avec lui un député juif.
Mais l’Iran est entouré de nations anti-­‐israéliennes et tous ses alliés le sont. Hassan Rohani ne peut donc se permettre de se prononcer favorablement envers Israël, sous peine d’attiser des tensions au sein de son entourage.
Les rumeurs de conflit entre les deux nations ne sont donc que des paroles. Et de son côté, Israël n’attaquerait jamais l’Iran.
Par contre, les vrais risques sont envers l’Arabie Saoudite. Je le dis depuis vingt ans. Le risque, c’est la guerre entre deux tendances islamiques : l’Iran Chiite contre l’Arabie Saoudite sunnite. Ali Khamenei dit être le dirigeant des Chiites dans le monde alors qu’en Arabie Saoudite, de nombreux Chiites sont massacrés tous les jours.
Propos recueillis par Thibault Izoret Masseron 
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